acte I – Scène I
LE BOURGEOIS
GENTILHOMME
Comédie
– Ballet
ACTEURS
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MONSIEUR JOURDAN, bourgeois
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MADAME JOURDAN, sa femme
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LUCILE, fille de M Jourdan
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NICOLE, servante
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CLÉONTE, amoureux de Lucile
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COVIELLE, valet de Cléonte
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DORANTE, comte, amant de Dorimène
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DORIMÈNE, marquise
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MAÎTRE DE MUSIQUE
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ÉLÈVE DU MAÎTRE DE MUSIQUE
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MAÎTRE À DANSER
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MAÎTRE D'ARMES
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MAÎTRE DE PHILOSOPHIE
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MAÎTRE TAILLEUR
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GARÇON TAILLEUR
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DEUX LAQUAIS
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PLUSIEURS MUSICIENS, MUSICIENNES, JOUEURS D'INSTRUMENTS, DANSEURS,
CUISINIERS, GARÇONS TAILLEURS, ET AUTRES PERSONNAGES DES
INTERMÈDES ET DU BALLET.
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Jourdain, un bourgeois très sot, veut acquérir
l'apparence et les manières des aristocrates. Pour cela, il
se fait faire un costume plus approprié à sa nouvelle
condition de gentilhomme, et décide d'apprendre le maniements
des armes, la danse, la philosophie, etc. Il s'entoure donc de
professeurs et de conseillers. Ceux-ci se moquent de lui, et le
trompent pour atteindre leurs propres objectifs alors que lui est
persuadé d'être accepté par des membres de la
plus haute noblesse.
ACTE
I
Scène
Première
MAÎTRE DE MUSIQUE, MAÎTRE à DANSER, TROIS
MUSICIENS, DEUX VIOLONS, QUATRE DANSEURS.
MAÎTRE DE
MUSIQUE, parlant à ses musiciens: Venez, entrez dans cette
salle, et vous reposez là, en attendant qu'il vienne.
MAÎTRE
à DANSER, parlant aux danseurs: Et vous aussi, de ce
côté.
MAÎTRE DE MUSIQUE, à l'Élève:
Est-ce fait?
L'ÉLÈVE: Oui.
MAÎTRE
DE MUSIQUE: Voyons. Voilà qui est bien.
MAÎTRE à
DANSER: Est-ce quelque chose de nouveau?
MAÎTRE DE
MUSIQUE: Oui, c'est un air pour une sérénade, que je
lui ai fait composer ici, en attendant que notre homme fût
éveillé.
MAÎTRE à DANSER: Peut-on
voir ce que c'est?
MAÎTRE DE MUSIQUE: Vous l'allez
entendre, avec le dialogue, quand il viendra. Il ne tardera
guère.
MAÎTRE à DANSER: Nos occupations, à
vous, et à moi, ne sont pas petites maintenant.
MAÎTRE
DE MUSIQUE: Il est vrai. Nous avons trouvé ici un homme comme
il nous le faut à tous deux; ce nous est une douce rente que
ce Monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie
qu'il est allé se mettre en tête; et votre danse et ma
musique auraient à souhaiter que tout le monde lui
ressemblât.
MAÎTRE à DANSER: Non pas
entièrement; et je voudrais pour lui qu'il se connût
mieux qu'il ne fait aux choses que nous lui donnons.
MAÎTRE
DE MUSIQUE: Il est vrai qu'il les connaît mal, mais il les paye
bien; et c'est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin que de
toute autre chose.
MAÎTRE à DANSER: Pour moi, je
vous l'avoue, je me repais un peu de gloire; les applaudissements me
touchent; et je tiens que, dans tous les beaux arts, c'est un
supplice assez fâcheux que de se produire à des sots,
que d'essuyer sur des compositions la barbarie d'un stupide. Il y a
plaisir, ne m'en parlez point, à travailler pour des personnes
qui soient capables de sentir les délicatesses d'un art, qui
sachent faire un doux accueil aux beautés d'un ouvrage, et par
de chatouillantes approbations vous régaler de votre travail.
Oui, la récompense la plus agréable qu'on puisse
recevoir des choses que l'on fait, c'est de les voir connues, de les
voir caressées d'un applaudissement qui vous honore. Il n'y a
rien, à mon avis, qui nous paye mieux que cela de toutes nos
fatigues; et ce sont des douceurs exquises que des louanges
éclairées.
MAÎTRE DE MUSIQUE: J'en demeure
d'accord, et je les goûte comme vous. Il n'y a rien assurément
qui chatouille davantage que les applaudissements que vous dites.
Mais cet encens ne fait pas vivre; des louanges toutes pures ne
mettent point un homme à son aise: il y faut mêler du
solide; et la meilleure façon de louer, c'est de louer avec
les mains. C'est un homme, à la vérité, dont les
lumières sont petites, qui parle à tort et à
travers de toutes choses, et n'applaudit qu'à contre-sens;
mais son argent redresse les jugements de son esprit; il a du
discernement dans sa bourse; ses louanges sont monnayées; et
ce bourgeois ignorant nous vaut mieux, comme vous voyez, que le grand
seigneur éclairé qui nous a introduits ici.
MAÎTRE
à DANSER: Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites;
mais je trouve que vous appuyez un peu trop sur l'argent; et
l'intérêt est quelque chose de si bas, qu'il ne faut
jamais qu'un honnête homme montre pour lui de
l'attachement.
MAÎTRE DE MUSIQUE: Vous recevez fort bien
pourtant l'argent que notre homme vous donne.
MAÎTRE à
DANSER: Assurément; mais je n'en fais pas tout mon bonheur, et
je voudrais qu'avec son bien, il eût encore quelque bon goût
des choses.
MAÎTRE DE MUSIQUE: Je le voudrais aussi, et
c'est à quoi nous travaillons tous deux autant que nous
pouvons. Mais, en tout cas, il nous donne moyen de nous faire
connaître dans le monde; et il payera pour les autres ce que
les autres loueront pour lui.
MAÎTRE à DANSER: Le
voilà qui vient